Monday, September 26, 2022
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L’Arabie saoudite soudoie des stars des réseaux sociaux pour apparel…


À l’picture de Dubaï, devenu une vacation spot touristique prisée grâce à l’aide des influenceurs et influenceuses de téléréalité, un pays voisin entend reprendre cette formule à l’efficacité démontrée. L’Arabie saoudite use aujourd’hui des mêmes ficelles pour attirer des visiteurs et visiteuses du monde entier, appeal·ées par les paysages de désert infini, mais que la réputation trop conservatrice du royaume rebute. 

À grand renfort de publications Instagram, les « Marseillais » et autres « Anges », deux émissions de téléréalité diffusées sur la chaîne W9, tentent de convaincre leur viewers que le pays s’est ouvert aux touristes, que l’accueil y est chaleureux et les décors somptueux. Parmi les plus populaires promoteurs du royaume se trouve le couple formé par deux stars des « Marseillais », Benjamin Samat et Maddy Burciaga, qui cumulent à eux deux plus de 5 thousands and thousands d’abonné·es sur le réseau social Instagram. 

Des publications Instagram de Benjamin Samat, Cloé Cooper et Lola Labesse. © Photomontage Mediapart

Hôtel grand luxe, centres commerciaux gigantesques et exposition d’artwork en plein désert : Maddy confie « en prendre plein les yeux » à ses thousands and thousands d’abonné·es qui suivent ses aventures en temps réel. « C’est vrai qu’on découvre un nouveau pays, peut-être que vous aussi et que ça va vous donner envie de venir, met-elle en avant. Ça va beaucoup évoluer dans les années à venir et franchement, ils sont vraiment dans une bonne voie. »

Dans les commentaires, certains followers du couple s’émerveillent devant les décors de carte postale. « Trop joli cet endroit, ça donne envie », salive une abonnée de Maddy, quand un autre ne manque pas de rappeler la répression des opposants et opposantes politiques qui a cours dans le royaume wahhabite : « Visitez les dictatures, allez-y ! »

A priori, rien n’indique explicitement que ce voyage s’insère dans une vaste campagne de promotion du tourisme en Arabie saoudite. À cela près qu’un lien renvoyant vers la web page Instagram des autorités chargées du développement touristique du pays accompagne chaque publication. 

Objectif : ramener 300 influenceurs en trois mois

Comme Maddy et Benjamin, des influenceuses et influenceurs des quatre cash du monde sont arrivés par avions entiers dans le royaume du Golfe pour en faire la publicité. Commencée en 2019, l’ouverture du pays aux visiteuses et visiteurs étrangers a pour objectif d’extraire l’économie saoudienne de sa dépendance aux revenus pétroliers.

Dans sa quête de développement touristique, l’Arabie saoudite aurait entrepris de faire venir pas moins de 300 influenceurs et influenceuses en trois mois, raconte à Mediapart Hervé*, un photographe qui compte près de 200 000 abonné·es sur Instagram et qui s’est lui-même prêté au jeu des publications sponsorisées.

Des stars de téléréalité, mais pas seulement : des blogueurs voyage, des mannequins, une actrice singapourienne, des influenceurs delicacies ou plus récemment le footballeur Lionel Messi. Toutes et tous ont accepté, moyennant rémunération, que leurs comptes aux centaines de milliers d’abonné·es servent de vitrine aux trésors touristiques saoudiens.

Lionel Messi compte au rang des célébrités rémunérées pour faire la publicité du tourisme dans le royaume saoudien.

Plusieurs de ces influenceurs ont été contactés par Mediapart. Aucun n’a donné suite à nos sollicitations, à l’exception d’Hervé. L’homme de 42 ans a été contacté par une agence basée à Londres, influencer.com, mandatée par l’autorité saoudienne du tourisme afin de faire la promotion des voyages dans le royaume. Étaient également du voyage sept influenceurs et influenceuses européennes, originaires de France, du Royaume-Uni, de Russie et de Pologne. 

Des rémunérations très variables

Dès leur arrivée sur le sol saoudien, le photographe français raconte que toutes et tous ont été réceptionnés par un chauffeur à l’anglais hésitant qui les a conduits sur le website historique d’Al-Ula, un carrefour civilisationnel millénaire grand comme la Belgique et autrefois habité par les Nabatéens, une société préislamique.

À peine le temps de profiter du somptueux hôtel en forme d’oasis où il logeait que le petit groupe est parti à la découverte de Hegra, une cité nabatéenne classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Le cadre prête à confusion, mais les influenceurs et influenceuses n’étaient pas là en vacances. Le contrat d’Hervé lui imposait de publier deux images sur son compte Instagram ainsi que six tales – des publications qui disparaissent au bout de 24 heures.

Chaque cliché posté ainsi que la description associée étaient préalablement validés par l’agence londonienne d’influenceurs et influenceuses, et des mentions devaient obligatoirement accompagner la publication, telles que les mots-dièses #ExperienceAlUla et #VisitSaudi. Rien d’inhabituel pour ce sort d’opération, guarantee le photographe français.

Ça peut monter à 5 000 euros et atteindre des montants à cinq chiffres pour de très gros influenceurs.

Hervé, influenceur voyage

Au sujet de sa rémunération, le quadragénaire est moins expansif, mais explique volontiers la grille tarifaire pratiquée dans le milieu de l’affect : « Le montant du cachet varie en fonction de la taille de la communauté » comprendre le nombre d’abonné·es. Mais d’autres critères entrent aussi en ligne de compte : le taux d’engagement est un élément clé dans les négociations entre l’« instagrameur » et l’agence.

Cet indicateur mesure la qualité des interactions – likes, commentaires, temps de visionnage – entre le contenu publié par un influenceur ou une influenceuse et les personnes qui sont abonnées à son compte. Plus il est élevé, plus l’influenceur ou l’influenceuse peut exiger un gros chèque.

« Ceux qui ont une petite communauté de quelques dizaines de milliers d’abonnés ont été seulement invités, sans être payés, dévoile Hervé. Ensuite, les rémunérations varient énormément : on start souvent à 1 000 euros pour une publication, ça peut monter à 5 000 euros et atteindre des montants à cinq chiffres pour de très gros influenceurs. »

Campagne de publicité à bas bruit

Mais pourquoi l’Arabie saoudite a-t-elle aussi massivement recours aux vedettes d’Instagram, plutôt qu’à une forme traditionnelle de publicité, pour faire la promotion de ses websites touristiques ? Parce que le royaume a mauvaise réputation et ne peut s’offrir le luxe d’une communication plus conventionnelle.

En 2019, alors que la monarchie dynastique vient tout juste de s’ouvrir au monde, une immense affiche apposée sur la façade d’un immeuble parisien et vantant le tourisme en Arabie saoudite fait grand bruit. La réclame scandalise les défenseurs des droits humains. L’ONG Reporters sans frontières dénonce une provocation, « un an presque jour pour jour après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi », et dépose une plainte dans la foulée.

Selon David Rigoulet-Roze, chercheur spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), passer par les influenceurs permet à l’Arabie saoudite de « faire la promotion des trésors touristiques saoudiens sans que le royaume ait à le faire directement ».

L’affaire Khashoggi, et la guerre au Yémen dans une moindre mesure, a donné mauvaise presse dernièrement à l’Arabie saoudite, rappelle le docteur en science politique. « Dans ce contexte, le royaume a d’autant plus intérêt à opter pour une forme de advertising and marketing oblique qui fait oublier l’initiateur et met l’accent sur le contenu », en particulier les websites millénaires comme Al-Ula et Hegra, ou les parcs d’points of interest et les centres commerciaux géants.

Faire sa publicité sans trop se faire remarquer, voilà la stratégie saoudienne. Automotive le capricieux prince héritier Mohammed ben Salmane (dit « MBS ») a misé trop gros sur le développement touristique de son pays pour attendre patiemment que le bouche-à-oreille fasse son effet. Rien que pour donner à Al-Ula la pleine mesure de son potentiel touristique, 15 milliards d’euros ont été déboursés en routes, tramways et autres infrastructures. 

Les pictures de dunes ocre et de soleil couchant partagées par les influenceurs permettent de séduire les touristes, et, ce faisant, de rassurer les investisseurs étrangers sur la capacité d’attraction du pays. Pour l’instantaneous, ces derniers ne se pressent pas pour accorder leurs fonds aux projets extravagants de MBS, qui a besoin de 500 milliards d’euros pour lancer le pharaonique « The Line Neom » – un projet de ville futuriste.

Une « saoudisation de l’économie » à l’œuvre

L’objectif du futur monarque est particulièrement ambitieux. Le projet « Imaginative and prescient 2030 », qui a la lourde tâche de diversifier l’économie du royaume, doit porter la contribution du tourisme au PIB de 3,8 % en 2019 – dont l’essentiel provient des revenus générés par le Hajj, le pèlerinage à La Mecque – à 10 % dans les prochaines années.

Pour ce faire, les procédures d’obtention de visas touristiques ont été largement simplifiées. Plus besoin de se rendre dans une ambassade pour les ressortissant·es de 49 pays, pour la plupart occidentaux, les démarches peuvent se faire à l’arrivée sur le sol saoudien. Le plan de MBS est non seulement d’en finir avec l’économie de rente pétrolière, mais aussi de développer un secteur porteur de croissance et d’emplois. 

« Il existe une vraie volonté de “saoudiser” les emplois de service, mais qui se heurte pour l’heure au problème structurel de formation, un préalable essentiel à cette “saoudisation économique” », abonde le chercheur.

Le journal spécialisé L’Écho touristique révélait au début du mois que les autorités saoudiennes avait lancé un vaste programme visant à recruter 100 000 locaux dans les métiers du tourisme : femmes de chambre, réceptionnistes et directeurs de vente seront ainsi bientôt formés afin de rendre complètement opérationnelles les infrastructures touristiques d’ici à 2030. MBS peut également compter sur l’experience de pays comme la France et l’Espagne, où seront envoyés des Saoudiens et Saoudiennes dans le however d’y suivre des formations intensives. 

Ouverture économique et sociétale

Le chamboulement n’est pas qu’économique, il est aussi sociétal. L’ouverture du royaume aux touristes s’accompagne d’un vaste mouvement de libéralisation des mœurs. Le port du voile n’est plus obligatoire, les femmes peuvent travailler et conduire, et il est désormais attainable d’écouter de la musique en public. Le pays a même reçu fin 2019 le MDL Beast, l’un des plus gros festivals de musique électronique. Seul l’alcool, dont la consommation est interdite, demeure une ligne rouge.

Cette transformation soudaine de la société saoudienne charrie son lot de résistances. Même si toute voix dissidente se garde bien de s’exprimer, par crainte de représailles, des conservateurs influents jugent les réformes sociales brutales et trop rapides.

Le quotidien libanais L’Orient-Le Jour rapportait qu’un religieux avait été arrêté en 2020 pour avoir accusé le jeune pouvoir « d’effacer l’identité originelle de la société saoudienne » en organisant spectacles et concert events. 

L’objectif de MBS n’est pas à proprement parler de démocratiser le pays, mais d’abord et avant tout d’assurer le développement post-pétrolier.

David Rigoulet-Roze, chercheur spécialiste du Moyen-Orient

Les partisan·es d’une libéralisation plus profonde de la société sont aussi inquiété·es par la répression. En août, Salma al-Shehab, étudiante et militante des droits des femmes, a été condamnée à 34 ans de jail, peine la plus longue jamais prononcée contre une activiste des droits humains, pour des tweets féministes.

Le message envoyé par le prince héritier à sa inhabitants peut sembler ambivalent, entre accélération des réformes sociales et tour de vis autoritaire. Pour le chercheur David Rigoulet-Roze, comprendre la société saoudienne suppose de « ne pas être trop “occidentalo-centré” sur les attendus du projet “Imaginative and prescient 2030”. Pressé par l’urgence de l’enjeu, MBS avance comme un bulldozer. Son objectif n’est pas à proprement parler de démocratiser le pays, mais d’abord et avant tout d’assurer le développement post-pétrolier ».

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