Laroquevieille (Cantal).– Catherine plonge la foremost dans le tas de fumier. La croûte, marron et grumeleuse, est sèche. À l’intérieur : un matériau humide, noir, où grouillent un tas de petites bêtes. Sa foremost ressort pleine de vers. En voilà deux qui s’accouplent : ils sont emmêlés, tête-bêche, pendant quelques instants. « Ce sont des hermaphrodites. Les gamètes mâles passent de l’un à l’autre. Plus tard, le ver produira des gamètes femelles, formera un cocon, et c’est là que se fera la fécondation. » Une poignée de terre plus tard, voilà justement un cocon, 2 millimètres de diamètre à peine, imperceptible pour un œil non exercé. De là sortiront, quelques semaines plus tard, un ou plusieurs individus.
Nous sommes à la mi-mai, la haute saison pour la replica des vers de terre qui étaient en dormance tout l’hiver. Au pied du massif du Cantal et du Puy Mary, à une vingtaine de kilomètres d’Aurillac, Catherine et John, la soixantaine, travaillent avec leur fille Rosaline à la fabrication de lombricompost.
Il n’a pas plu depuis trois semaines et le mercure frôle les trente degrés, une température exceptionnelle et troublante pour un mois de mai dans cet endroit de montagne situé à plus de 600 mètres d’altitude. Dans leur fumier, les vers restent pourtant dans un milieu frais et humide, indifférents aux situations météorologiques qui, depuis le printemps, mettent en difficulté quantité de productions agricoles. « Je suis inquiète pour la survie de la société, mais pas pour notre activité en tant que telle », souffle Catherine.
Les petits vers de sa ferme sont d’ingénieux artisans. Ils fabriquent de l’humus, un fertilisant tout ce qu’il y a de plus naturel, sans aucune hint de produit chimique. Lequel pourra ensuite nourrir la terre, cette « maison de la plante »… Cette dernière y puisera des ressources là où les sols sont géologiquement pauvres et là où, détruits par la sécheresse ou la chimie, ils ont été désertés par le vivant.