La Grande Phantasm de Jean Renoir (1937) offre une multitude de tableaux sociologiques ou politiques d’une richesse et d’une acuité inoxydables. Parmi les prisonniers français de la Première Guerre mondiale parqués dans une forteresse lugubre, le movie s’attache à un personnage secondaire de première significance. Un professeur de lettres classiques qui, sous l’uniforme, reste un travailleur du domaine de l’esprit. Il s’attaque à l’œuvre « toujours si mal traduite » de Pindare.
Le lieutenant Maréchal (Jean Gabin), issu des couches populaires, n’y tenant plus, lui demande : « Mais qu’est-ce que c’est que ton Pindare ? » Le lettré, comme énamouré, répond : « Le plus grand poète grec. »
Plus tard dans le movie, lors d’une scène de fouille de la cellule à laquelle procèdent les gardiens tudesques, l’exégète passionné s’offusque du mauvais traitement réservé à son livre chéri. Alerté par le tapage ainsi créé, le commandant de la place, von Rauffenstein (Erich von Stroheim), jette un œil sur le grimoire abîmé par sa soldatesque, esquisse une moue ironique et lâche d’une voix railleuse : « Ce bon vieux Pindare. »
Ainsi le lyrisme hellène à son sommet est-il présenté comme perdu, entre l’ignorance démotique et le mépris se croyant souverain des élites.